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Science cognitive, pédagogie où en sommes-nous ?

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Écoutez l’épisode sur cette page !

4ème épisode de notre podcast WeTestEd ! Cette fois, nous avons discuté avec Svetlana Meyer, responsable scientifique chez Didask, la startup qui accompagne et aide les entreprises et écoles à améliorer leurs méthodes pédagogiques.

Svetlana, elle, est chercheuse en science cognitive, associée au Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition. Svetlana, c’est une jeune experte d’un domaine on ne peut plus intéressant et dont tout le monde parle aujourd’hui.

Alors évidemment nous avions beaucoup de questions à lui poser pour en savoir un peu plus sur le fonctionnement de l’apprentissage.

Voici quelques extraits de notre conversation.

TestWe : Chez Didask vous alliez science cognitive et formation. Pourquoi ?

Svetlana Meyer : Parce que … Attends il faut revenir déjà à ce que sont les siences cognitives. C’est une discipline scientifique qui étudie la manière dont on analyse, perçoit et traite les informations, et aussi comment on les mémorise. Quand on connait ces éléments là, qui sont un peu comme les ingrédients d’une recette, eh bien cela nous permet de faciliter l’apprentissage et de pouvoir faire vraiment la différence avec les apprenants.

TW : Selon toi, quel serait le meilleur environnement d’apprentissage (en prenant compte des budgets et organisations actuelles dans l’Enseignement supérieur) ?

SM : Il n’y a pas de réponse universelle. Il n’y a pas un environnement parfait adapté à tous par contre il y a une démarche générale qui est la suivante : disons qu’on est une université et qu’on a un objectif, amener ses apprenants à tel endroit en terme de compétences ou que l’on veut retravailler le rapport à l’erreur, il y a différentes actions auxquelles on doit penser avec cohérence.

Donc là on peut s’inspirer de la recherche et mettre en place différentes choses. Par exemple, concernant le rapport à l’erreur on sait que c’est lié au travail sur la note, comment on la présente, l’interaction que les professeurs ont avec leurs étudiants dans le but de véhiculer de la bienveillance.

Donc si on récapitule ce serait cette démarche : avoir un objectif, penser avec cohérence un ensemble d’actions, et avoir une démarche d’évaluation (se demander “est-ce les actions que j’ai pensé me permettent d’atteindre mon objectif initial ?”).


TW : Les sciences cognitives, en France, en sont où en termes d’application et de recherche ?

SM : C’est un domaine de recherche international donc on doit parler de manière générale là. Et c’est un exercice assez difficile à faire, il y a beaucoup de sous-domaines.

Globalement on pourrait dire qu’aujourd’hui on connaît bien les ingrédients d’un apprentissage réussi.

Par contre là où il reste un chemin à parcourir c’est dans la traduction de recommandations générales à des apprenants qui ont des niveaux d’expertise différents, des contraintes temporelles différentes ; comment on alligne ces savoirs théoriques à une réalité de terrain, là dessus il reste du chemin à parcourir.

TW : Beaucoup ?

SM : Un peu oui. Justement si on revient à l’idée de la démarche, de l’évaluation, la recherche ne nous guide pas encore parce que c’est un processus qui se construit sur le long terme, c’est une discipline scientifique qui est jeune.

Donc on imagine que pour X population d’apprenants il faudrait faire de telle manière pour appliquer ce résultat scientifique donc on se lance, on teste et on regarde le niveau de performance des apprenants, après, on compare à un autre choix d’application et on voit quelle méhode est la plus efficace.

TW : Depuis quand est-ce qu’il y a un tel focus sur les sciences cognitives ?

SM : C’est vrai qu’en ce moment on en parle beaucoup dans les médias, c’est une discipline à la mode c’est vrai. Alors c’est une discipline qui est jeune c’est vrai à l’échelle des sciences. Mais elle a en fait quelques siècles !

Il y a aussi un écart entre ce qui est étudié en laboratoire et ce qu’en connaît la société. C’est quelque chose qui m’a beaucoup frappé quand j’ai fait ma thèse, ce qui fait que je me suis lancée ensuite dans l’application des sciences cognitives sur le terrain. Il y a un écart d’à peu près trente ans entre la recherche et le terrain !

Par exemple, les pédagogies actives permettant une mémorisation plus efficace de la part de l’apprenant, c’est quelque chose qui se sait depuis les années 80 voire avant !

TW : Mais pourquoi est-ce que ça n’est pas appliqué plus tôt ?

SM : Bah parce que d’un côté les chercheurs ne sont pas ceux qui passent les connaissances à la société civile, ils ne sont pas incités àfaire ce travail de transmission, ce qui ralentit la machine et d’autre part parce que même des chercheurs vulgarisateurs très connus comme Stanislas Dehanne, Franck Rammu ou Olivier Houdé ont un des discours qui parfois ne sont pas audibles. D’autres encore ont autre chose à faire, ce qui est tout à fait légitime mais ce qui explique aussi ce retard.

TW : Une utopie de l’apprentissage pour toi ce serait quoi ?

SM : Eh bien déjà il faut savoir qu’il y a un pilotage éducatif qui se fait tant au niveau institutionnel qu’individuel. On tend généralement à agir selon certaines valeurs comme l’égalité ou l’accessiblité qui, souvent, sont très nobles mais posent problème.

Par exemple, il y a quelque chose très à la mode aujourd’hui c’est ce qu’on appelle “rendre l’apprenant acteur de son apprentissage”. C’est-à-dire les faire coonstruire par la découverte les notions à apprendre. Cela semble très noble mais c’est problématique.

Notamment parce que les pratiques pédagogiques qui en découlent ne sont pas adaptées au plus grand nombre. Cela crée une contradiction entre les valeurs et les pratiques. Mon utopie de l’apprentissage ce serait donc de réconcilier ces deux éléments. ce serait d’arrêter de faire de la pédagogie qui ne convient qu’aux bons élèves, par exemple les pédagogies d’apprentissage par la découverte qui ne conviennent qu’aux bons élèves, et faire un travail de réflexion pour adapter les méthodes et pratiques à l’ensemble des apprenants.

TW : Tu dis que les pédagogies utilisées aujourd’hui ne sont pas adaptées au plus grand nombre ?

SM : Alors déjà on va dissocier pédagogie active de pédagogie par découverte. La dernière se définit par une activité poussée à l’extrême. c’est à dire qu’au lieu de te donner une notion que tu vas mettre en pratique ensuite, on va te faire décoiuvrir la notion en te mettant face à un problème.

La résolution de problème a un coût cognitif ; ça va consommer des ressourcesen termes d’attention et de traitement d’informations qui vont pas forcément aider l’apprenant à allouer ces ressources à l’acquisition de la notion.

Cela semble un peu paradoxal c’est sûr. Mais par exemple quand on veut faire découvrir à quelqu’un un résultat scientifique, on va le faire passer par toutes les étapes de l’expérimentation puis le résultat final.

Le truc c’est que parfois ces expérimentations n’ont rien à voir avec le contenu et le résultat final. Donc ça va prendre une partie des ressources cognitives de l’apprenant et une partie de la place en mémoire de celui-ci qu’il aurait mieux valu selon moi, et d’autres chercheurs, à allouer pour expliquer le résultat final, donc d’opter pour une pédagogie plus explicite.

Donc pour certains apprenants novices dans un certain champ, la situation est nouvelle et il a besoin de beauoup plus d’attention qu’un expert pour devoir se représenter la situation dans laquelle il est et prendre des décisions pour arriver à l’étape suivante. C’est pour ça que certains apprenants auront beaucoup plus de mal que d’autres à réaliser avec succès cette expérience.

TW : Nous ne sommes pas tous égaux dans l’apprentissage donc ?

SM : Bah en fait on apprend à peu près tous de la même manière. Certes on est pas avancé dans les mêmes sujets donc tu apprendras mieux que moi dans ces sujets où tu es déjà expert alors que moi moins et vice versa. Par contre on a tous les deux un cerveau qui a besoin à peu près des mêmes choses pour apprendre.